Liens entre les gènes
Dans le cadre d’une étude d’individus présentant 2 caractères d’intérêt, Mendel a montré que les caractères étaient transmis de manière indépendante. C’est la 3ème loi, la loi d’indépendance de la transmission des caractères. Selon lui la ségrégation d'un couple d'allèles est indépendante de celle d'un autre couple d'allèles. Avec les connaissances actuelles, on peut assimiler cette loi au brassage inter-chromosomique.
À l’époque Mendel n’avait pas connaissance des chromosomes et des gènes. Aujourd’hui on connaît la structure des chromosomes et la répartition des gènes sur ceux-ci pour bon nombre d’espèces. Pour parvenir à cette connaissance de nombreux tests ont été réalisés afin de localiser les gènes d’intérêt sur les différents chromosomes et de déterminer quels étaient les gènes liés entre eux.
I/ Les connaissances apportées par la génération F2
La drosophile est une petite mouche facile à élever en laboratoire et dont le caryotype n’est constitué que de quatre paires de chromosomes. Les scientifiques ont travaillé sur les gènes responsables des caractères observables comme la couleur des yeux ou du corps, la longueur des ailes etc…En reproduisant les croisements de Mendel, ils ont pu progressivement dessiner la carte des chromosomes.
Document 1 : Gènes liés et non liés
Quand deux gènes sont liés c’est qu’ils sont présents sur le même chromosome comme par exemple les gènes alpha et bêta sur le document précédent. Quand ils ne sont pas liés (on dit aussi qu’ils sont indépendants), c’est qu’ils sont situés sur des chromosomes différents comme par exemple les gènes alpha et gamma sur le document précédent.
- Prenons le cas de l’étude de gènes que l’on sait aujourd’hui non liés (gènes situés sur des chromosomes différents).
Prenons l’exemple de 2 caractères visibles chez la drosophile : la longueur des ailes et la présence d’un œil.
Document 2 : Drosophile au phénotype sauvage (corps clair, ailes longues, yeux rouges).
Source : Drosophila melanogaster - side (aka) .jpg par André Karwath alias Aka via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-2.5, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Drosophila_melanogaster_-_side_(aka).jpg
Le gène de la longueur des ailes (gène vestigial) est situé sur le chromosome 2. Il présente deux allèles : l’allèle « vg+ » pour des ailes longues qui domine l’allèle « vg » pour des ailes vestigiales (des vestiges d’ailes, des ailes quasi inexistantes).
Le gène contrôlant la fabrication de l’œil (gène eyeless) est situé sur le chromosome 4 et présente deux allèles : l’allèle « ey+ » pour un œil présent qui domine l’allèle « ey » pour un œil absent.
Document 3 : Carte des chromosomes 2 et 4 de la drosophile
D’après E. Altenburg repris dans Génétique de G. Prévost, éditions Hermann -1976 modifié à l’aide du site http://svt.ac-dijon.fr/
Précision : Le codage des allèles peut se faire sans utiliser des lettres majuscules et minuscules. Parfois un gène porte le nom de l’anomalie observée en cas d’allèle récessif (souvent muté). Ici pour le gène longueur des ailes, on utilise un code qui indique le caractère vestigial de l’aile (vg). Si l’allèle dont on parle est l’allèle sauvage (c'est-à-dire celui qu’on trouve majoritairement dans la nature car il permet la survie de l’individu et qui est donc généralement dominant) on rajoute un « + ». Si l’allèle dont on parle est l’allèle récessif, on ne met rien. Ainsi l’allèle « vg+ » est l’allèle sauvage donnant de longues ailes et l’allèle « vg » est l’allèle muté récessif (habituellement peu trouvé dans la nature car il ne favorise pas la survie de l’individu qui a alors de faibles chances de se reproduire et de transmettre cet allèle).
Prenons un parent P1 possédant des ailes longues et des yeux. C’est une souche « pure » c'est-à-dire qu’il est homozygote double dominant et son génotype est (vg+//vg+ , ey+//ey+). Il ne pourra produire qu’une seule sorte de gamètes : (vg+/ , ey+/)
Prenons un parent P2 possédant des ailes vestigiales et des yeux absents. C’est une souche pure, il est donc homozygote double récessif et son génotype est (vg//vg , ey//ey). Il ne pourra produire qu’une seule sorte de gamètes : (vg/ , ey/).
Réalisons le croisement F1 = P1 x P2.
Document 4 : Tableau de croisement de 2 drosophiles P1 et P2 exprimant des gènes non liés (vestigial et eyeless)
©RS.2020
Tous les individus de la génération F1 sont hétérozygotes : leur génotype est donc (vg+//vg , ey+//ey) et ils présentent le même phénotype que P1 car vg+ domine vg et ey+ domine ey.
Du fait que les gènes soient non liés, en raison du brassage inter-chromosomiques, les individus F1 pourront produire 4 sortes de gamètes : (vg+/ , ey+/), (vg/ , ey /), (vg+/ , ey /), (vg/ , ey +/).
En croisant deux individus F1 pour produire une génération F2, on obtient dans des proportions identiques aux croisements F2 des petits pois de Mendel :
- des phénotypes recombinés nommés R1 et R2 présentant des mélanges des caractères de P1 et P2
- des phénotypes parentaux de type P1 et P2
Document 5 : Tableau théorique de croisement de 2 drosophiles F1 exprimant des gènes non liés (vestigial et eyeless)
©RS.2020
Le phénotype parental de type P1 [vg+, ey+] a un taux de représentativité de 9/16 soit 56.25%
Le phénotype parental de type P2 [vg, ey] a un taux de représentativité de 1/16 soit 6.25%
Le phénotype recombiné de type R1 [vg+, ey] présente un taux de représentativité de 3/16 soit 18%
Le phénotype recombiné de type R2 [vg, ey +] présente également un taux de représentativité de 3/16 soit 18%.
Les comptages en élevage corroborent le tableau théorique de croisement.
Document 6 : Tableau de résultats de comptages d’une génération F2 issue d’un croisement de 2 drosophiles F1 exprimant des gènes non liés (vestigial et eyeless)
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La ségrégation des allèles (2ème loi) s’effectue bien ici et confirme que la distribution aléatoire et indépendante des allèles lors de la méiose (3ème loi) assure la diversité des individus au sein de l’espèce.
- Prenons maintenant le cas de deux gènes liés (gènes situés sur le même chromosome).
Le gène black est situé sur le chromosome numéro 2 et existe en deux versions : l’allèle sauvage « b+ » responsable d’une couleur claire du corps et l’allèle « b » responsable de la couleur noire du corps. Le gène black est donc situé sur le même chromosome que le gène responsable de la longueur des ailes, le gène vestigial.
Document 7 : Carte des chromosomes 2 et 3 de la drosophile
D’après E. Altenburg repris dans Génétique de G. Prévost, éditions Hermann -1976 modifié à l’aide du site http://svt.ac-dijon.fr/
Prenons un parent P1 possédant des ailes longues et un corps clair. C’est une souche pure, il est donc homozygote double dominant et son génotype est (vg+ b+ // vg+ b+). Il ne pourra produire qu’une seule sorte de gamètes : (vg+ b+/)
Prenons un parent P2 possédant des ailes vestigiales et un corps noir. C’est une souche pure, il est donc homozygote double récessif et son génotype est (vg b//vg b). Il ne pourra produire qu’une seule sorte de gamètes : (vg b/).
Réalisons le croisement F1 = P1 x P2.
Document 8 : Tableau théorique de croisement de 2 drosophiles P1 et P2 exprimant des gènes liés (vestigial et black)
©RS.2020
Tous les individus de la génération F1 sont hétérozygotes : leur génotype est donc (vg+ b+ // vg b) et ils présentent le même phénotype que P1 car vg+ domine vg et b+ domine b.
Dans le cas où les gènes d’intérêt sont des gènes liés c’est-à-dire dont les loci sont proches sur un même chromosome, ces derniers sont normalement transmis systématiquement ensemble et l’on ne devrait pas observer de phénotypes recombinés dans la descendance. Ainsi la génération F1 ne produirait que 2 sortes de gamètes (vg+ b+/) et (vg b/) et F2 ne présenterait que 2 sortes de phénotypes de types P1 et P2.
Document 9 : Tableau théorique de croisement de 2 drosophiles F1 exprimant des gènes liés transmis ensemble (vestigial et black)
©RS.2020
Il ne faut cependant pas oublier le brassage intra-chromosomique qui permet de produire des gamètes recombinés à l’origine de phénotypes recombinés. Chez les drosophiles, on n’observe de crossing-over que chez les femelles, jamais chez les mâles.
Document 10 : Tableau théorique de croisement de 2 drosophiles F1 exprimant des gènes liés ayant réalisé un crossing-over chez la femelle (vestigial et black)
©RS.2020
Les résultats de la F2 avec des gènes liés ayant effectué un crossing-over, montrent que comme pour la F2 obtenue dans le cas de gènes non liés il y a des phénotypes parentaux et des phénotypes recombinés mais les proportions observées sont bien différentes.
Le phénotype parental de type P1 [vg+ b+] a un taux de représentativité de 5/8 soit 62.5 %
Le phénotype parental de type P2 [vg, b] a un taux de représentativité de 1/8 soit 12.5 %
Le phénotype recombiné de type R1 [vg+, b] présente un taux de représentativité de 1/8 soit 12.5 %
Le phénotype recombiné de type R2 [vg, b +] présente également un taux de représentativité de 1/8 soit 12.5 %.
Ces résultats indiquent que le crossing-over est un évènement plutôt rare (10% des divisions).
Les comptages en élevage corroborent le tableau théorique de croisement.
Document 11 : Tableau de résultats de comptages d’une génération F2 issue d’un croisement de 2 drosophiles F1 exprimant des gènes liés (vestigial et black)
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II/ Les connaissances apportées par une génération particulière : la F2bc
F2bc signifie « génération issue d’une deuxième fécondation réalisée lors d’un back cross ». On parle aussi de croisement-test ou de test-cross.
À l’origine de cette génération, un individu F1 hétérozygote aux caractères dominants est croisé avec un parent P2 homozygote récessif d’où le terme de croisement « back-cross » car on revient « en arrière » en croisant avec un individu de la génération précédente. Le résultat de ce croisement présente des phénotypes parentaux avec des génotypes très simples (hétérozygote pour le type P1 et homozygote double récessif pour le type P2) et des phénotypes recombinés mais dans des proportions différentes.
Document 12 : Principe du croisement test
Les proportions des phénotypes parentaux et recombinés d’une F2bc dépendront du fait que les gènes soient liés ou pas.
- Si l’on observe 25 % de chaque sorte de phénotype de type parental (P1 ou P2), 25 % de phénotype recombiné de type R1 et 25 % de phénotype recombinés de type R2, alors les deux gènes n’étaient pas liés et les résultats obtenus correspondent à une distribution équiprobable des chromosomes de part et d’autre de l’équateur de la cellule en méiose, c'est-à-dire à un simple brassage inter-chromosomique. C’est le cas par exemple des gènes « vestigial » responsable de la longueur des ailes et « eyeless » responsable de la formation de l’œil chez la drosophile.
Document 13 : Tableau théorique d’un croisement test pour 2 gènes non liés chez la drosophile (vestigial et eyeless)
Document 14 : Résultats du comptage d’un croisement test pour 2 gènes non liés chez la drosophile (vestigial et eyeless)
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- Si l’on observe 10 % de représentativité pour chacun des phénotypes recombinés (et donc 40% de représentativité pour chacun des phénotypes parentaux), alors il y a eu un évènement de crossing-over, c'est-à-dire un brassage intra-chromosomique entre les gènes d’intérêt, les séparant, ce qui créé des gamètes recombinés à l’origine des phénotypes recombinés. Les gènes sont donc liés. C’est le cas par exemple pour les gènes « vestigial » responsable de la longueur des ailes et « black » responsable de la couleur du corps.
Document 15 : Tableau théorique d’un croisement test pour 2 gènes liés chez la drosophile F1 femelle (vestigial et black)
Document 16 : Résultats du comptage d’un croisement test pour 2 gènes liés chez la drosophile (vestigial et black)
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L’étude des proportions des phénotypes parentaux et recombinés issus d’un croisement-test a donc deux utilisations possibles :
- Retrouver le génotype d’un individu présentant des caractères dominants c’est à dire l’identifier comme un P1 ou un F1. En effet, s’il possède des allèles récessifs, couplés à ceux du parent P2, on observera une descendance avec des caractères récessifs. Ainsi si la descendance F2bc possède uniquement des individus identiques à l’individu dont on recherche génotype alors ce dernier était un parent de type P1 homozygote dominant. Si par contre cette descendance F2bc présente des individus qui possèdent des caractères parentaux de type P1 et P2 et des individus qui possèdent des caractères recombinés, alors l’individu à tester est un individu hétérozygote de génération F1.
- Retrouver le caractère lié ou indépendant des gènes étudiés chez l’individu F1 afin d’identifier l’origine d’un caractère exprimé. En effet, en croisant systématique tous les gamètes de l’individu à tester (F1) avec des gamètes obligatoirement doubles récessifs, l’apparition de phénotypes recombinés en très faibles proportions (10%) révèlera chez cet individu F1 la survenue d’un évènement de recombinaison indiquant que ses gènes sont liés.
Lien entre les gènes- SVT - LA VIE Term spé #6 - Mathrix
Date de dernière mise à jour : 26/05/2021