L'échelle stratigraphique


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Telles les pages d’un livre, les strates racontent une histoire, celle de notre planète. 

La stratigraphie (du latin stratum : couverture et du grec graphein : écrire) est la science qui étudie la succession des dépôts sédimentaires, qui se présentent en couches distinctes ou strates sur un affleurement ou lors d’un sondage. Elle permet in fine de reconstituer dans sa continuité l’histoire de la Terre enregistrée dans les formations sédimentaires.

La stratigraphie est donc l’étude de l’agencement dans l’espace et le temps des couches géologiques ou strates, et l’échelle stratigraphique est une synthèse de cette étude.

I Histoire de l’échelle stratigraphique

Au cours des XVIe et XVIIe siècles, les mineurs commencent à exprimer le besoin de comprendre les relations entre les différentes unités de roches qu'ils creusaient. En 1669, le géologue danois Niels Stensen énonce le principe de superposition.

Document 1 : Niels Stensen

Fichier: Niels stensen.png

Source : Niels stensen.png, domaine public, via Wikimedia commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Niels_stensen.png



 

Dans la première partie du 19ème siècle, John Phillips, géologue britannique (1800-1874) proposa d’utiliser de grands ensembles distincts de fossiles pour fonder les divisions majeures (les ères) de l’histoire du globe : Paléozoïque, Mésozoïque et Cénozoïque (encore actuel).

Document 2 : John Phillips

Phillips John geologist.jpg

Phillips John geologist.jpg, domaine public, via Wikimedia commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Phillips_John_geologist.jpg

Cette découpe est inspirée par la théorie de Cuvier (1769-1832) sur le catastrophisme puisque ces périodes sont encadrées par les grandes crises biologiques majeures (fin du Paléozoïque -250 Ma, extinction fin Mésozoïque -65 Ma). Les couches sont identifiées avant tout par leur contenu pétrographique.

Document 3 : Georges Cuvier 

Fichier: Georges Cuvier large.jpg

Georges Cuvier large.jpg, domaine public, via Wikimedia commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Georges_Cuvier_large.jpg

C’est Alcide d’Orbigny (1802-1857), naturaliste et paléontologue français, qui énonce le principe de « succession faunistique » : ce n’est plus le contenu pétrographique qui caractérise une couche mais son contenu paléontologique. La notion d’étage est alors apparue.

Document 4 : Alcide Dessalines d'Orbigny 

Fichier: Alcide Dessalines d'Orbigny 1802.jpg

Source : Alcide Dessalines d'Orbigny 1802.jpg, domaine public, via Wikimedia commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Alcide_Dessalines_d%27Orbigny_1802.jpg

Aujourd’hui la Commission internationale de stratigraphie (ICS, pour International Commission on Stratigraphy) coordonne les activités stratigraphiques.

II  Échelle stratigraphique et échelle chronostratigraphique

La stratigraphie a mis en évidence des repères permettant de délimiter des étages, unité de base de l’échelle stratigraphique. Ces derniers sont regroupés en séries puis en systèmes. Les systèmes sont regroupés en érathèmes et enfin les érathèmes en éonothèmes. L'échelle stratigraphique définit des repères mais ne définit pas la notion de temps, or une couche sédimentaire se dépose avec une certaine vitesse. 

La chronostratigraphie est une branche de la stratigraphie dont l’objet est l’étude de l’âge des strates. La communauté internationale a mis au point une échelle de référence combinant l'échelle relative des stratigraphes et toutes les données provenant des autres méthodes géochronologiques (dont la radiochronologie). Cette échelle porte le nom d'échelle chronostratigraphique ou échelle des temps géologiques. Ce n’est pas une échelle absolue des temps car les valeurs obtenues sont susceptibles d'être modifiées en fonction de l'avancée des connaissances. Voilà pourquoi elle est réactualisée tous les ans.

Une échelle chronostratigraphique ou échelle des temps géologiques permet ainsi de classer chronologiquement les divers événements/étages géologiques qui sont intervenus depuis l’origine de la Terre, il y a 4,55 milliards d’années, jusqu’à nos jours. L’histoire de la Terre a ainsi été fractionnée en différentes tranches de temps : éon, ère, période, époque, âge.

On définit le temps de dépôt d'un étage par un âge. Le temps de dépôt d'une série (plusieurs étages) sera une époque. Le temps de dépôt pour un système (plusieurs séries) correspondra à une période. Le temps de dépôt pour un érathème (plusieurs systèmes) sera qualifié d’ère et celui pour l'éonothème (plusieurs érathèmes) sera qualifié d’éon.
 

Document 5: Comparatif des termes employés en stratographie et chronostratigraphie

Stratigraphie

Chronostratigraphie

Éonothèmes

Éon

Érathèmes

Ère

Systèmes

Période

Séries

Époque

Étage

Âge

La superposition des intervalles de temps limités par des coupures d’ordres différents aboutit donc à l’échelle stratigraphique. Cette échelle fait correspondre des ensembles de couches géologiques d’origine sédimentaire à des intervalles de temps. 

Elle n’est pas la représentation d’une réalité sur le terrain : aucun affleurement au monde ne présente l’ensemble des étages.  En effet la tectonique des plaques fait que les croûtes océaniques et continentales subissent différents phénomènes amenant à la disparition de strates ou à leur absence de formation dans certaines zones géographiques. 

III L’étage ou âge géologique

L'unité de base de l’échelle stratigraphique est donc l'étage. 

Selon Alcide d’Orbigny,  « un étage est un état naturel de la nature passée pendant lequel il existait, comme dans la nature actuelle, des continents et des mers, des plantes et des animaux et, dans la mer, des animaux pélagiens et des animaux côtiers à toutes les zones de profondeur. Pour qu’un étage soit complet, il doit montrer un ensemble d’êtres terrestres ou marins qui puisse représenter une époque tout entière, analogue au développement que nous voyons actuellement sur la Terre.  »

Aujourd’hui, on appelle « étage », l’ensemble des strates comprises entre deux coupures définies par la commission internationale de stratigraphie. 

Cette commission définit également un stratotype d'unité c'est à dire une couche de référence montrant les caractéristiques de l'étage. 

Document 6 : Stratotype d’unité du Barrémien à Angles, Haute-Provence 

File:StratotypeBarremienA.JPG

Source : StratotypeBarremienA.JPG par Spiridon Ion Cepleanu via Wikimédia Commons,  CC-BY-SA-4.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:StratotypeBarremienA.JPG

Les stratotypes d’unité présentent plusieurs caractéristiques parmi lesquelles:

  • l’absence de déformations tectoniques,
  • la richesse en fossiles stratigraphiques marins,
  • l’homogénéité de faciès,
  • des limites faciles à distinguer.

Chaque stratotype d’unité détermine donc une unité chronostratigraphique appelée « étage » qui correspond à une unité géochronologique appelée « âge », généralement comprise entre 3 et 10 MA.

Le nom de l’étage est le plus souvent dérivé d’un lieu géographique : il est obtenu en ajoutant le suffixe «ien » au nom géographique de la région du stratotype. 

La France compte 19 stratotypes d’unité. On peut citer par exemple l’Autunien. Cet étage inférieur du Permien (ère paléozoïque) a été défini par Pierre Joseph Jules Bergeron en 1889 à Autun en Saône et Loire, département de la région Bourgogne-Franche-Comté. Cet étage est caractérisé par des schistes bitumineux exploités dès le milieu du XIXème siècle pour fournir de l’huile de schiste permettant l’éclairage des lampes.

On peut citer aussi un exemple situé en dehors de la France : le Maastrichtien. Il a été défini par André Hubert Dumont (1809-1857), géologue et professeur de minéralogie à l’Université de Liège en Belgique, à partir de tuffeaux de Maastricht aux Pays-Bas en 1849. Les tuffeaux sont des roches calcaires riches en foraminifères et déposées entre 2 et 20 cm en eaux peu profondes peu agitées, près du littoral. Le Maastrichtien est le dernier étage du Crétacé. Il est daté de -72 +/- 0.2 Ma à -66 +/- 0.2 Ma. Il succède au Campanien et précède l’ère Cénozoïque dont le premier étage est le Danien. La base de cet étage est définie par 12 critères biostratigraphiques et l’apparition de l’ammonite Pachydiscus neubergicus.  Son sommet correspond à un événement connu sous le nom d’extinction du Crétacé (disparition des ammonites et bélemnites) marquée par une couche d’argile noire riche en iridium.  L’un des fossiles les plus connus du Maastrichtien est le mosasaure ou reptile de la Meuse, découvert par des ouvriers dans une carrière de la montagne St Pierre et étudié par Georges Cuvier.

Document 7 : Pachydiscus neubergicus 

File:Pachydiscus neubergicus cropped.jpg

Source : Pachydiscus neubergicus cropped.jpg, Abyssal (talk | contribs), via wikimedia commons, CC-BY-SA-4.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pachydiscus_neubergicus_cropped.jpg

Document 8  : Mosasaure

File:Mosasaurus beaugei1DB.jpg

Mosasaurus beaugei1DB.jpg, Creator: Dmitry Bogdanov, via wikimedia commons, CC-BY-3.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mosasaurus_beaugei1DB.jpg

Il existe également des stratotypes de limite  qui sont des affleurements correspondant à une succession sans lacunes de dépôts de strates sédimentaires ayant un contenu paléontologique permettant une corrélation à grande distance et servant de référence (étages stratotypes). Le point stratotypique mondial (PSM) (Global Boundary Stratotype Section and Point, GSSP), aussi appelé Clou d'or définit les limites existantes entre deux étages géologiques. Sur les chartes stratigraphiques, le PSM est souvent indiqué par le symbole Point stratotypique mondial.

Document 9 : Clou d’or ou Point stratotypique mondial 

File:Bagolino - Sito Romanterra - Chiodo d'oro-003.jpg

Source : Bagolino - Sito Romanterra - Chiodo d'oro-003.jpg, Xavier Caré / Wikimedia Commons / CC-BY-SA., https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bagolino_-_Sito_Romanterra_-_Chiodo_d%27oro-003.jpg

La France compte 5 stratotypes de limites. Située dans le Sud-Ouest de la France, la série stratigraphique de Bidart fait partie des 6 ayant permis de définir précisément la limite Mésozoïque/Cénozoïque correspondant à la crise paléontologique appelée « crise Crétacé/Tertiaire » ou encore « limite K/T ». Cette série présente tous les critères lui permettant de servir de référence concernant cette limite :

  • elle ne présente pas de lacunes : il y a une continuité des stratotypes d’unités du Campanien jusqu’au Danien.  
  • entre le Maastrichtien et le Danien on observe une disparition complète des ammonites et parmi les foraminifères certains disparaissent comme Globotruncana et d’autres apparaissent comme Eoglobigerina
  • on observe à la limite des deux strates, une fine couche d’argile sans fossiles riche en iridium traduisant bien une crise mondiale de la biodiversité liée à l’impact d’un astéroïde.

Document 10 : Série sédimentaire du stratotype de Bidart 

source svt dijon

IV  Les érathèmes ou ères géologiques

Si le terme d’« étage » relatif à la stratigraphie est plus souvent utilisé que le terme d’« âge » relatif à la chronostratigraphie, concernant les « érathèmes », l’usage veut que l’on parle plus souvent d’« ère », terme chronotratigraphique.

Une ère est définie par des crises paléontologiques majeures associées ou pas à de grands évènements géologiques (éruptions planétaires, astéroïdes à impact global…).

Pendant longtemps 5 ères ont été nommées : 

- L’ère précambrienne correspondant à la période d’existence de la Terre pendant laquelle la vie n’était pas apparue (du moins des preuves de vie n’avaient pas été trouvées)

- L’ère primaire de −544 à −252 Ma.

- L’ère secondaire allant de -252 Ma à -65 Ma

- L’ère tertiaire de -65 Ma à -2.6 Ma

- L’ère quaternaire correspondant à l’apparition de l’Homme et débutant il y a 2.6 millions d’années.

Aujourd’hui avec les découvertes de fossiles humains beaucoup plus âgés que 2.6 Ma, l’ère quaternaire n’a plus de raison d’être. Le découpage a donc été revu et d’autres termes ont été utilisés pour les subdivisions : 

- Le Paléozoïque remplace l’ère primaire. Ce mot fait référence à une vie dite « ancienne » qui n’existe plus aujourd’hui. Ce mot vient du grec ancien, mot savant composé de palaïos (« vieux ») et de  zôikós (« d’animal »), littéralement « des vieux animaux ». 

- Le  Mésozoïque remplace l’ère secondaire. Ce mot vient du grec  mésos (« moyen, médian ») et  zôikos (« d’animal»), anciennement appelé Ère secondaire ou Ère des Reptiles, c'est une ère géologique  au cours de laquelle apparaissent de nombreuses espèces de mammifères et de dinosaures. Ses limites (inférieure et supérieure) correspondent à des extinctions massives.

- Le Cénozoïque remplace l’ère tertiaire et l’ère quaternaire. Ce mot fait référence à une vie récente. Ce mot vient du grec ancien, mot savant composé de kainós (« récent ») et de  zôikós (« d’animal »), littéralement « des animaux récents », par opposition à l'ère paléozoïque.

V Les éonothèmes ou éons géologiques

On distingue plusieurs divisions dans l’échelle des temps chronostratigraphiques. La plus grande division est l’éon. 

L'éon est l'intervalle de temps  correspondant à la plus grande subdivision chronostratigraphique de l'échelle des temps géologiques, l'éonothème. Pour un même intervalle de temps géologique, les éons et les éonothèmes portent des noms identiques. Le terme éon est également utilisé dans le cadre de la planétologie pour permettre de décrire l'histoire des planètes. 

L'histoire de la Terre est découpée en quatre éons qui sont les suivants, du plus ancien au plus récent :

Hadéen (de - 4,6 à - 4 milliards d’années),

Archéen (de - 4 à - 2,5 milliards d’années),

Protérozoïque (de - 2,5 à - 0,541 milliards d’années),

Phanérozoïque (depuis l’explosion biologique cambrienne il y a 541 millions d’années, jusqu'à nos jours).

Les trois premiers, qui couvrent les 4 premiers milliards d'années de l'histoire de la Terre sont parfois regroupés au sein d'un superéon nommé le Précambrien.

Document 11 : Position et durée des 4 éons sur la représentation en horloge de 24h de l'histoire de la Terre


Source : Earth Clock Eons fr 01.png par Géodigital via Wikimédia Commons,  CC-BY-SA-4.0, Travail auto-publié, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Earth_Clock_Eons_fr_01.png

Document 12 : Échelle chronostatigraphique internationale Version 2020

Échelle chronostratigraphique : autorisation accordée pour l’enseignement sans but commercial,  https://stratigraphy.org/icschart/Permissions_ICS_2017_v2.pdf, https://stratigraphy.org/icschart/ChronostratChart2020-03.jpg

 

Échelle stratigraphique - SVT - TERRE Term spé #2 - Mathrix

Echelle des temps géologiques de la terre

Date de dernière mise à jour : 09/11/2021