5 Les caractéristiques de la mobilité horizontale
1) Les premières preuves d’une mobilité horizontale
Cela fait relativement peu de temps qu’il a été prouvé que notre planète présentait une mobilité horizontale de sa surface. C’est un climatologue, Alfred Wegener qui, en 1919 alors qu’il étudiait la répartition des traces de glaciers sur Terre, constata une complémentarité des marges des continents sud-américains et africains. Il remarqua également une correspondance dans les limites des territoires de certains fossiles sur ces deux continents. En rapprochant l’Afrique et l’Amérique du Sud, il remarqua que les limites des territoires correspondaient pour ne former qu’un seul et unique territoire. De plus la répartition des traces d’écoulement glaciaire à la pointe sud de l’Amérique du Sud, de l’Afrique, de l’Inde et de l’Australie corroborait la possibilité d’un regroupement continental.
Répartition des territoires de fossiles selon Wegener :
Source : Snider-Pellegrini Wegener fossil map fr.svg, par Osvaldocangaspadilla, Simon Villeneuve (traduction), via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-3.0,2.5,2.0,1.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Snider-Pellegrini_Wegener_fossil_map_fr.svg?uselang=fr
Il évoquait l’idée d’une mobilité horizontale de la roche constituant la surface de la planète et finit par émettre sa théorie de la dérive des continents en 1912. À cette époque, on considérait que la surface de la Terre était constituée de deux catégories de matériaux : le SIAL constitué principalement de silicium et d’aluminium et le SIMA constitué principalement de silicium et de magnésium. Pour Wegener, contrairement à ce que pensait la communauté scientifique fixiste de l’époque, les continents appartenaient au SIAL et dérivaient sur le SIMA. Il avait développé une théorie mobiliste.
Alfred Wegener :
Source : Alfred Wegener ca.1924-30.jpg par Modèle: E.Kuhlbrodt via Wikimédia Commons, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Alfred_Wegener_ca.1924-30.jpg
Hypothèses fixiste et mobiliste au début du XX° siècle :
Sources : Modèle fixiste.jpg par Olivier Dequincey et Pierre Thomas (ENS Lyon) via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-4.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mod%C3%A8le_fixiste.jpg?uselang=fr
Modèle mobiliste de Wegener : Modèle mobiliste de Wegener.jpg par
Olivier Dequincey et Pierre Thomas (ENS Lyon), via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-4.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mod%C3%A8le_mobiliste_de_Wegener.jpg?uselang=fr
En travaillant donc sur les formes des continents et la répartition des fossiles, il reconstituera le visage de notre planète, il y a 270 millions d’années aux Carbonifère inférieur : celle-ci ne possédait alors qu’un super continent qu’il appela « La Pangée ».
La Pangée selon Wegener :
Source : Pangea continents.png par Kieff . via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-3.0-migré, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pangaea_continents.png
2) De nouveaux apports scientifiques
On sait depuis 1968, par Xavier Le Pichon, que ce ne sont pas les continents qui se déplacent mais plutôt que la Lithosphère est fracturée en plaques rigides et que ces plaques présentent un mouvement relatif les unes par rapport aux autres (mouvement de tapis roulant). On parle de « tectonique des plaques ».
Ces plaques étant constituées soit seulement de croûte océanique soit de croûte océanique et de croûte continentale, le mouvement relatif de tapis roulant qu’elles possèdent expliquerait cette impression de dérive des continents.
L’hypothèse d’un mouvement de tapis roulant signifie qu’il doit y avoir une limite de plaques où la roche est produite et s’éloigne de celle-ci et une limite de plaques où les roches se rapprochent de celle-ci. Il y a donc forcément d’un côté production de matière qui pourrait correspondre à un contexte géodynamique de dorsale, et de l’autre côté, disparition de matière dans un contexte géodynamique qui pourrait correspondre à celui des fosses océaniques.
À la fin du XIXe siècle, on découvre la radioactivité de la Terre qui génère une énorme quantité de chaleur. En 1929, Holmes émet l’hypothèse que le manteau serait le siège de mouvements de convection permettant d’évacuer cette chaleur et qui serait à l’origine de la « dérive des continents ».
Arthur Holmes :
Source : Arthurholmesin1912.jpg, auteur inconnu, Domaine public, Via Wikimédia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Arthurholmesin1912.jpg
Théorie de la convection mantellique selon Holmes :
©RS.2019
Dans les années 1940, des sondeurs acoustiques embarqués à bord de navires océanographiques permirent d’établir les cartes des reliefs sous-marins. On découvre alors qu’une dorsale serpente tous les océans, dominant les plaines abyssales. On découvre également le long des continents, et parfois au sein des océans, des fosses océaniques.
En parallèle de ces découvertes en 1960, Harry Hess, officier de la marine britannique, réalise des relevés bathymétriques dans le Pacifique (relevés de profondeur) et découvre des chapelets d’îles volcaniques dont celles situées les plus à l’extrémité du chapelet sont devenues sous-marines. Il les nomme alors des « Guyots ».
Harry Hess :
Source : Hess.gif, auteur inconnu, via Wikimédia Commons, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Hess.gif
Relevé bathymétrique de Hess montrant un « guyot « :
Source : Guyot Hess.jpg, par Harry Hess, via Wikimédia Commons, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Guyot_Hess.jpg?uselang=fr
Chapelet d’îles volcanique selon Hess :
Source : Normal ian-symbol-ocean-3d-guyot-formation.png, par Kaderrtepe via Wikimédia Commons,
CC-BY-SA-4.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Normal_ian-symbol-ocean-3d-guyot-formation.png
Il imagine que ces îles d’origine volcanique ont été formées par l’activité de la dorsale puis ont été entraînées par le glissement du flanc de celle-ci. Il expliqua ce mouvement de glissement par les cellules de convection proposées par Holmes.
Il considère que les dorsales sont la manifestation en surface des branches ascendantes des cellules de convection et qu’ainsi les continents seraient entraînés passivement à la surface de la croûte terrestre. À cette époque la Lithosphère n’avait pas encore été découverte.
Théorie de Hess sur les mouvements horizontaux de la croûte océanique et la convection mantellique :
Source : Oceanic spreading fr.svg, par Surachit, French and colors by User:Bibar. Via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-4.0, modifié par Sandra Rivière, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Oceanic_spreading_fr.svg?uselang=fr
Cette idée est confortée par les premières mesures du flux géothermique datant de 1950 (Bullard). Elle montre que celui-ci est plus élevé au niveau des dorsales.
Flux géothermique surfacique :
Source : Earth heat flow.jpg, par JH Davies et DR Davies via Wikimédia Commons, CC-BY-3.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Earth_heat_flow.jpg
De plus des anomalies de gravité ont également été repérées à cette époque : il a été relevé un excès de masse au niveau des fosses océaniques corroborant l’idée d’une branche plongeante de la cellule de convection.
Ainsi depuis quelques années, l’idée d’une expansion océanique et donc l’idée d’une mobilité horizontale se dessine en 1960. Les études du champ magnétique terrestre et particulièrement l’étude du paléomagnétisme, renforcèrent cette idée.
On sait, depuis 1906, que le champ magnétique terrestre s’inverse régulièrement. Ceci a été découvert en étudiant des superpositions de coulées de lave continentales. En effet, la lave contient des cristaux de magnétite. Quand celle-ci s’arrête de s’écouler, les cristaux refroidissent. Quand il atteignent les 600° C, ils s’aimantent et s’orientent selon le champ magnétique en place, enregistrant donc la direction des pôles magnétiques. Ainsi, en 1963, en étudiant le paléomagnétisme des plaines abyssales, Vines, Matthews et Morley découvrir ce qu’ils appelèrent une « peau de zèbre » dans le relevé du paléomagnétisme.
Paléomagnétisme enregistrée sur le plancher océanique :
Source : Oceanic.Stripe.Magnetic.Anomalies.Scheme.svg par Chmee2 modifié par Sandra Rivière, via Wikimédia Commons, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Oceanic.Stripe.Magnetic.Anomalies.Scheme.svg?uselang=fr
C’est une alternance d’anomalies positives et négatives de part et d’autre de la dorsale montrant que les fonds océaniques se forment en permanence au niveau de celle-ci puis s’écartent symétriquement de part et d’autre, disparaissant au niveau des fosses. Ils proposèrent leur modèle de la théorie de l’expansion océanique en 1966.
Aujourd’hui, il est possible de calculer la vitesse d’expansion des fonds océaniques en mesurant la distance à la dorsale de basaltes facilement datables par les techniques modernes.
Théorie de l’expansion océanique :
©RS.2019
L’existence des Guyot corroborait cette expansion océanique. Jason Morgan en 1971 les expliquait par la présence d’un panache de magma d’origine mantellique profonde (2900 km). Il a émis l’hypothèse que ce panache butait sous la lithosphère océanique et la transperçait formant un volcan. Mais celle-ci étant animée de mouvements, le volcan formé se décale, laissant de la place pour le suivant. L’étude du chapelet de volcans du point chaud d’Hawaï a permis de déterminer la vitesse d’expansion de la plaque pacifique à une moyenne de 9 cm par an.
Le point chaud d’Hawaï et son origine :
Source : Hawaii hotspot poster.jpg: par Joel E. Robinson, Will R. Stettner (USGS) via wikimédia commons, domaine public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Hawaii_hotspot_poster.jpg?uselang=fr
3) La théorie de la tectonique des plaques et les apports scientifiques récents
Fort de toutes ces données scientifiques, Xavier Le Pichon a donc émis en 1968 la théorie de la tectonique des plaques proposant l’existence de six plaques.
En 1968 et 69, le global challenger a réalisé des forages dans l’océan Atlantique vers 30° de latitude sud de part et d’autre de la dorsale médio-atlantique. Ces forages corroborèrent une fois de plus l’expansion océanique et la théorie de la tectonique des plaques. Tous les forages ont atteint le fond basaltique et les sédiments au contact de celui-ci ont été datés.
Résultats des forages réalisés à 30° de latitude Sud de la dorsale médio-atlantique :
©RS.2019
Profil topographique obtenu à partir des forages :
©RS.2019
Il a été remarqué qu’au fur et à mesure que l’on s’éloignait de la dorsale, les sédiments en contact avec le basalte étaient de plus en plus anciens. Tout se passait comme si le basalte aux abords de la dorsale n’avait pas reçu les mêmes sédiments que le basalte éloigné de la dorsale. Or les dépôts de sédiments se font de manière homogène sur toute la surface des fonds océaniques. Il ne peut donc y avoir localement une absence de dépôt à une date donnée.
La seule explication était que ces sédiments se soient déposés au niveau de l’axe de la dorsale au moment de la formation du plancher océanique et que celui-ci, s’éloignant de l’axe de la dorsale, entraînait avec lui les sédiments déposés. Le nouveau plancher formé à l’axe de la dorsale, recevait donc les sédiments de l’époque géologique suivante. On est donc bien en présence d’une dynamique d’expansion océanique.
Aujourd’hui on dispose de cartes répertoriant les âges des fonds sous-marins. On constate qu’aucune croûte océanique ne dépasse l’âge de 200 à 250 millions d’années alors que la croûte continentale présente des roches vieilles de 3,8 milliards d’années. Il y a donc ici la preuve que le plancher océanique est régulièrement détruit. La présence des fonds océaniques les plus anciens à proximité des fosses corrobore l’idée d’un enfoncement de la lithosphère océanique au niveau de celles-ci, confirmant l’hypothèse d’un mouvement relatif des plaques entre la dorsale et les fosses, de type tapis roulant.
Carte des âges du plancher océanique :
Source : Age de la croûte terrestre 1996 - 2.png par via Wikimédia Commons, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Earth_seafloor_crust_age_1996_-_2.png
Ces méthodes montrant la mobilité horizontale peuvent être qualifiées de méthodes indirectes. Aujourd’hui, avec les technologies modernes, il est possible de suivre en direct le mouvement des plaques grâce aux satellites et aux balises GPS (Global Positionning Système).
Balise GPS au sol :
Source : Sisters07 TheHusband gps station 05-10-07.jpg, par Dave Sherrod, en:United States Geological Survey, autorisation PD-USGOV-INTERIOR-USGS. via Wikimédia Commons, domaine public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sisters07_TheHusband_gps_station_05-10-07.jpg?uselang=fr
Ce système américain permet de déterminer au millimètre près la position d’une balise située à la surface du globe. Il suffit alors de réaliser des mesures successives pour détecter en temps réel un déplacement de ce point par rapport à un autre.
On parle de position géodésique. Le terme de « géodésie » vient de Gaïa qui signifie « la Terre » en grec et de « daiein »qui signifie « partager, diviser ». La géodésie, c’est donc la mesure de la taille de la forme de la Terre.
Avec cette technologie il est possible de quantifier le déplacement des stations et donc de modéliser par des vecteurs, le mouvement relatif des plaques. En enregistrant les écarts de latitude et de longitude d’une balise entre deux dates, en dessinant les vecteurs de déplacement en latitude et en longitude dans un repère orthonormé Nord-Sud et Est-Ouest, on peut par projection tracer le vecteur global de déplacement de la plaque concernée. La mesure graphique du vecteur ou l’utilisation du théorème de Pythagore permettent de calculer la vitesse de déplacement de cette plaque.
Relevé GPS de la station KOKB de la plaque Pacifique et de la station ALBH de la plaque Nord-Américaine
Source : NASA, https://sideshow.jpl.nasa.gov/post/links/KOKB.html
Tracé des vecteurs de déplacement de deux plaques contigües, Pacifique et Nord-Américaine :
©RS.2019
Ainsi les mouvements relatifs mis en évidence par les différentes recherches effectuées depuis les années 40 sont confirmés par l’étude du déplacement des balises GPS.
Vecteurs déplacement des balises GPS à la surface du globe :
Source : Global plate motion.jpg par NASA, via Wikimédia Commons, domaine public, https://nv.wikipedia.org/wiki/E%CA%BCelyaa%C3%ADg%C3%AD%C3%AD:Global_plate_motion.jpg
On délimite aujourd’hui à la surface du globe 15 plaques lithosphériques appelées aussi plaques tectoniques car elles sont animées de mouvements.
Les plaques tectoniques et leurs mouvements relatifs :
Source : Placas tectonicas mayores.svg par USGS - Versión en español Daroca90 Via wiki media comámonos, Creative Commons Genérica de Atribución/Compartir-Igual 3.0., https://es.wikipedia.org/wiki/Archivo:Placas_tectonicas_mayores.svg
Conclusion :
On distingue à la surface de la terre trois catégories de mouvements horizontaux relatifs :
• des mouvements de divergence (écartement) au niveau des dorsales
• des mouvements de convergence (rapprochement) au niveau des fosses océaniques ou des zones de collision entre deux continents
• des mouvements de cisaillement (coulissage) correspondant au frottement de deux plaques animées de mouvements antiparallèles.
Différents mouvement horizontaux à la surface du globe :
Source : Tectonic plate limits.png par Jose F. Vigil. USGS via Wikimédia Commons, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tectonic_plate_boundaries.png
La Caractéristisation de la Mobilité Horizontale - SVT - TERRE 1ère #5 - Mathrix
Date de dernière mise à jour : 08/06/2021